Axe 1

Axe 1 - Adaptation multi-échelles de l'agent pathogène à sa plante hôte : spécialisation d'hôte et réponse aux résistances qualitatives et quantitatives

L'utilisation de variétés de blé résistantes, une des méthodes les plus efficaces pour protéger cette culture contre les champignons pathogènes, n'est pas toujours durable en raison de la grande capacité d'adaptation des populations pathogènes compte tenu de la façon dont ces variétés sont déployées dans les systèmes de culture actuels. Nos recherchent visent à comprendre comment ces populations pourraient s'adapter à des peuplements hôtes plus hétérogènes. Nous abordons les questions suivantes : "Comment le champignon s'adapte-t-il à son hôte (blé tendre, blé dur et triticale) et à ses résistances ?", "Comment réintroduire une diversité fonctionnelle efficace dans les cultures aux échelles plante, parcelle et paysage ?", "Comment intégrer la résistance quantitative dans les stratégies de gestion ?", "Quel est l'impact de l'adaptation des populations pathogènes sur la durabilité des résistances ?"

Ce premier axe justifie un fort investissement de notre part dans la compréhension de l'impact de la résistance quantitative sur l'évolution des traits d'histoire de vie des agents pathogènes (fitness et agressivité). Depuis quelques années, nous nous intéressons à la fois au côté "hôte" et au côté "pathogène" : les sources de résistance sont caractérisées par une étude combinée de l'architecture génétique de la résistance de l'hôte et du pouvoir pathogène du champignon, notamment pour Zymoseptoria tritici et Puccinia triticina.

La plupart de nos activités s'appuient sur un suivi à long terme des populations de pathogènes en conditions naturelles et l'acquisition de données phénotypiques (pathotypage et identification de races, quantification des niveaux d'agressivité, postulation de gènes de résistance dans les variétés de blé cultivées). C'est notamment le cas pour la surveillance annuelle des populations françaises de P. striiformis et P. triticina, avec un rapport de synthèse transmis chaque année à nos partenaires sélectionneurs et à ARVALIS-Institut du Végétal. Notre collection d'isolats de rouille, conservés à -80°C, constitue une base de données unique extrêmement riche (collection constituée de plusieurs centaines d'isolats de référence de P. triticina et P. striiformis remontant au milieu des années 1990, complétée par plusieurs milliers d'isolats "de travail"). Une collection plus récente de Z. tritici (sous-populations mondiales et locales) est également en cours de constitution. Ces collections sont utilisées dans plusieurs projets menés à différentes échelles :

Échelle du gène

Pour comprendre comment les populations pathogènes s'adaptent aux résistances qualitatives et quantitatives du blé, nous caractérisons et cartographions les gènes de résistance de l'hôte et les gènes du pouvoir pathogène du champignon parasite. Ce travail a été réalisé sur P. triticina dans le cadre de la thèse de Gustavo Azzimonti et de plusieurs stagiaires de Master 2. La plupart de nos activités sont axées sur le criblage de groupes de variétés de blé tendre et de blé dur, le développement de nouvelles méthodes de phénotypage, l'élaboration de cartes de liaisons pour identifier les QTLs impliquées dans la résistance quantitative et des analyses de génétique d'association (GWAs) pour identifier les loci de résistance chez l'hôte et d'agressivité chez l'agent pathogène. Ce travail expérimental conséquent, essentiel pour évaluer la durabilité de la résistance du blé, est développé sur Z. tritici depuis déjà quelques années. Des cartes de liaison consensus comprenant plusieurs milliers de marqueurs SNPs ont été élaborées pour le blé tendre et le blé dur, permettant l'identification et la comparaison de QTLs de résistance à la rouille brune et à la septoriose robustes. Ces QTLs sont en cours de cartographie fine ce qui pourrait conduire à l'identification de marqueurs diagnostics utilisables par les sélectionneurs. Les analyses GWAs conduites sur les populations françaises de Z. tritici ont permis d'identifier plusieurs gènes candidats d'avirulence correspondant à des gènes de résistance Stb connus . Ce travail, développé en collaboration avec l'ETH de Zürich et l'Université de Neuchâtel, a notamment permis d'identifier et de caractériser fonctionnellement le premier gène d'avirulence (AvrStb6) de Z. tritici. Ces activités de recherche se poursuivent dans le cadre d'un projet post-doctoral.

 

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Échelle de la parcelle

 

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Notre équipe s'intéresse depuis une trentaine d'années à l'efficacité des associations variétales pour limiter la propagation des épidémies au sein des couverts de blé. D'abord démontrée pour les maladies Cette efficacité à dispersion éolienne (rouille jaune), cette efficacité est moins évidente pour les maladies à dispersion pluviale (septoriose). Elle s'explique par un effet biophysique (barrière et dilution de la ressource hôte sensible). Les thèses de Christophe Gigot, puis de Tiphaine Vidal, ont porté sur les interactions entre l'architecture de la plante hôte, la structure du couvert et la dispersion des spores asexuées de Z. tritici au sein d'associations variétales, en collaboration avec EcoSys. Notre équipe se concentre désormais sur l'impact des associations sur l'interaction hôte-pathogène et la dynamique adaptative plutôt que sur leur effet architectural sensu stricto. L'hypothèse désormais testée dans la thèse de Carolina Torrejon est que l'association de deux variétés, l'une sensible l'autre résistante, pourrait modifier le taux de transmission de la virulence entre deux saisons culturales via l'impact combiné de la reproduction asexuée et sexuée. Parallèlement, la thèse de Safa Ben Krima vise à caractériser l'adaptation de Z. tritici aux variétés populations de blé dur tunisiennes, connues pour être hétérogènes à une échelle encore plus fine.

Échelle du paysage

L'équipe s'intéresse depuis plusieurs années à l'optimisation de la gestion territoriale des variétés pour améliorer l'efficacité et la durabilité des résistances du blé. La plupart de nos activités de recherche s'appuient sur notre large collection d'isolats de Puccinia sp., un corpus de données phénotypiques (virulence et agressivité), l'analyse de la distribution des cultivars français, et la postulation de leurs gènes de résistance. Nous avons relié, au niveau national, la fréquence des cultivars à la composition pathotypique des populations pathogènes. L'influence théorique des stratégies de déploiement des résistance sur l'intensité des épidémies et sur la dynamique évolutive de l'agent pathogène (virulence et agressivité) a été établie par Julien Papaïx dans sa thèse à l'échelle du paysage. Il a ainsi fait le lien entre l'hétérogénéité spatiale de l'environnement et la dynamique adaptative des populations pathogènes. Les modèles théoriques qu'il a développé ont par exemple montré que les épidémies pouvait être contrôlées en modifiant la connectivité au sein des paysages. La présence de clusters d'habitats dans la métapopulation facilite la spécialisation en augmentant à la fois le niveau d'adaptation et la vitesse d'évolution de la population lorsque la dispersion est limitée. Depuis, des études ont été menées à l'échelle du paysage en interaction avec d'autres équipes de BIOGER, notamment sur la gestion des traitements fongicides dans la thèse de Maxime Garnault. Désormais notre objectif est de contribuer à l'amélioration de ces modèles théoriques et de les valider avec des données expérimentales pour comprendre comment l'hétérogénéité des peuplements hôtes et la connectivité des paysages influencent l'intensité des épidémies de rouille (voir axe 4). Dans sa thèse, intégrée au projet H2020 RustWatch, Cecilia Fontyn cherche à répondre à la question suivante : "L'agressivité est-elle une composante importante de l'adaptation des populations de P. triticina au paysage variétal ?"

 

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Date de modification : 25 septembre 2023 | Date de création : 09 mai 2016 | Rédaction : Frédéric Suffert